Consommation :
prédire l’avenir au-delà du virus
Source :
Stéphane Mailhiot,
Affaires et économie, L’Actualité
Comment prédire le comportement des consommateurs
après la pandémie ?
Des « détectives de la nouveauté » ont
déjà déployé leurs antennes.
Mais ces chasseurs de tendances, responsables de
l’innovation et autres futurologues peinent à prédire si nos comportements et
nos habitudes de consommation COVID dureront plus longtemps que nos résolutions
du jour de l’An.
Leur radar est déboussolé en raison de la nature
exceptionnelle de la pandémie.
Pour les entreprises, anticiper la suite revêt
pourtant une importance capitale, car leur avenir et celui de plusieurs emplois
en dépendent.
Et pas seulement en temps de pandémie.
Quand un événement inattendu vient bouleverser le
monde, on saisit immédiatement que demain ne sera plus comme hier. Pendant
l’onde de choc, il faut éviter l’effet de panique et l’approche linéaire qui en
résulte.
Avant d’investir son REER dans un fabricant de
papier de toilette, il faut se rappeler que la pandémie n’a pas créé de besoins
supplémentaires, elle n’a fait que déplacer la demande.
Habituellement, les événements ponctuels entraînent
une réaction immédiate forte, puis un retour à la normale assez rapide.
Ainsi, au lendemain des attentats du 11 septembre
2001, chacun comprenait que les attaques contre les tours à New York allaient
affecter le transport aérien.
Il était par contre difficile de prédire quelles
nouvelles habitudes s’établiraient de façon durable (les contrôles de sécurité,
par exemple) et lesquelles allaient s’estomper (le retour des passagers dans
les avions, y compris ceux qui avaient juré de ne plus jamais prendre un vol).
À l’inverse, les changements systémiques
s’installent lentement et entraînent plutôt des modifications durables des
comportements.
Comme les événements du 11 septembre 2001, la
COVID-19 est un « cygne noir », de la théorie économique du même
nom : un événement aussi transformateur qu’imprévisible.
C’est
une onde de choc pour plusieurs industries.
Moins les crises sont prévisibles, plus elles
affectent des pans de l’économie qui n’avaient pas de plan B.
Des entreprises pas très portées sur le changement
doivent aujourd’hui s’adapter rapidement.
Tant et si bien que des marques et
des commerçants parviennent à offrir leurs produits en ligne en 48 heures,
alors qu’avant la crise, il leur aurait fallu beaucoup plus de temps et
d’argent.
Ou encore, des sociétés jusqu’ici réfractaires au
télétravail poursuivent leurs opérations grâce à des applications comme Zoom,
Slack ou Teams.
Ce qui implique aussi une nouvelle acceptation du fait qu’une
réunion peut parfois être interrompue par un enfant qui réclame une collation
ou la réponse à une question sur le rorqual commun.
La COVID-19 est un événement ponctuel, mais les
mois de distanciation physique ont fait leur œuvre pour créer des habitudes
ancrées dans la durée.
En plus de constater la nouvelle tendance, les
spécialistes du marketing doivent estimer sa validité et sa portée.
De nombreux chasseurs de tendances prédisent tout
et n’importe quoi, proposant une multitude d’hypothèses, dont la majorité ne
sont jamais confirmées.
Comme les
entreprises ne peuvent surfer sur toutes les vagues, elles peuvent aisément
passer à côté de la tendance importante, distraites par un truc brillant. Par
exemple, en 2004, les gestionnaires de Nokia ont refusé un projet de leurs
ingénieurs : un téléphone avec une capacité de navigation en ligne, un
écran couleur tactile, une caméra haute résolution et même une boutique
d’applis (un App Store).
Trois ans plus tard, l’iPhone faisait son
apparition.
Les ventes de Nokia sont passées de plus de 70 milliards de dollars
américains en 2008 à moins de 17 milliards cinq ans plus tard.
De leur côté, les fabricants d’appareils photo
Kodak et Polaroid ont tous deux manqué le virage numérique parce que la
majorité de leurs revenus provenaient des films argentiques.
Autre exemple : la tendance de la diffusion en
continu était bien présente dans l’industrie de la musique avant que Netflix ne
devienne une menace concrète pour Blockbuster.
Pourtant le géant des clubs vidéo a négligé la
transformation la plus importante de son industrie et a dû fermer ses 9 000
succursales, alors que Netflix a aujourd’hui plus de 180 millions d’abonnés.
En d’autres mots, ce ne sont pas les espèces les
plus fortes ou les plus intelligentes qui survivent, ce sont celles qui
s’adaptent le mieux au changement.
Malgré l’importance de prévoir la suite des choses
en ce moment, l’être humain souffre d’un cruel manque d’imagination pour
dessiner le futur.
Et pour cause : lorsqu’on observe son cerveau par résonance
magnétique, on constate que l’humain utilise le réseau de neurones
de la mémoire pour se projeter dans l’avenir.
Notre mode de fonctionnement cérébral nous
immobilise et nous pousse à imaginer un « présent perpétuel », en
quelque sorte.
C’est pourquoi les chasseurs de tendances, les
responsables de l’innovation et les futurologues doivent utiliser des méthodes
et des outils pour déjouer leurs propres réflexes et développer des scénarios
plus surprenants, parfois moins probables, mais toujours plausibles.
Chaque consultant ou agence a sa propre
méthodologie. Il s’intéresse aux artistes d’avant-garde, aux citoyens des
villes les plus branchées (New York, Tokyo ou Londres) et aux « faiseurs
de mode ».
Certaines grandes entreprises ont des réseaux de
dépisteurs, qui rapportent leurs observations sur le terrain.
Ces détectives de la nouveauté peuvent déceler des
modes (les jeunes créatifs commencent à se vêtir comme les coursiers à vélo,
par exemple), autant que les premiers signes de changements de valeurs.
D’autres tentent de trouver le point d’inflexion en
étudiant les consommateurs ayant un historique d’adoption des nouveautés.
Ainsi, certains chasseurs de tendances prédisent l’engouement du nouveau iPhone
en observant la longueur de la file devant le magasin Apple, tout comme on
déduit le potentiel de revenu d’un film à ses résultats au box-office lors du
premier week-end suivant sa sortie.
Certaines entreprises étudient plus précisément
les prosumers : les consommateurs les plus avant-gardistes.
Ils établissent les courants, font et défont les
modes et montrent le chemin à la masse. En les observant, on peut prédire
quelles vagues deviendront mainstream dans un horizon de 18 à 24 mois.
Ça prend une approche méthodique et statistique,
parce qu’une poignée de consommateurs assoiffés de nouveautés — qui sautent
rapidement d’un courant à l’autre — peuvent brouiller les pistes. Par contre,
lorsqu’une tendance gagne les 20 premiers pour cent des consommateurs, on peut
prédire que l’adoption s’étendra à la population générale.
En ce moment, nous
sommes en train d’étudier ces consommateurs pour mieux comprendre
l’après-pandémie.
Et cet après peut devenir
intéressant. Par exemple, en avril 1815, l’éruption du volcan Tambora, dans ce
qui est devenu la péninsule indonésienne, a provoqué un tel nuage de poussière
que les récoltes de l’ensemble de la planète ont été affectées, entraînant la
famine pour plusieurs peuples, mais aussi pour de très nombreux chevaux de
trait. Ou encore, pour remplacer le cheval, un inventeur allemand proposa laufmaschine,
le vélo.
L’avenir, ce n’est pas quelque chose qui
arrive : c’est quelque chose qu’on fait. D’où l’importance de se demander
quelles grandes idées naîtront de la pandémie.
Comme le secteur de l’automobile n’est jamais bien
loin des grandes tendances de consommation, on peut facilement prédire que les
entreprises les plus adaptables et novatrices seront celles qui sauront tirer
avantages de ces nouvelles habitudes de consommation…
C’est a voir…
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