Coronavirus : Chronique d’un krach boursier inévitable?
Source : Gaël Vaillant,
JDD.
La panique semble
s'être emparée des marchés mondiaux, les Bourses européennes dévissant à
l'ouverture vendredi, sous la menace des conséquences de l'épidémie de
coronavirus. Mais il est encore trop tôt pour prédire qu'il y aura un krach
boursier.
C'est une semaine noire pour la planète finance.
Dans le sillage des bourses asiatiques, les places européennes ont
accusé une baisse moyenne de 12 à 13% depuis lundi.
C'est la plus importante chute depuis la crise mondiale de 2008-2009.
A Wall Street, baromètre de la finance mondiale, les indices dévissent
également (-4,42% pour le Dow Jones et le S&P 500, -4,61% pour le Nasdaq à
la clôture jeudi soir).
La faute au coronavirus dont les conséquences sur les économies font
trembler les investisseurs.
Autre signe inquiétant, le niveau de l'indice de volatilité VIX (que les
spécialistes surnomment "l'indice de la peur") est au plus haut
depuis 2011, année où sévissait la crise des dettes publiques dans la zone
euro.
Faut-il s'attendre à un krach boursier dans les prochains jours, voire
dans les prochaines heures?
Rien n'est encore sûr.
La baisse observée cette semaine pourrait même n'être qu'une simple
correction.
Dans l'attente d'un krash financier
Un petit rappel lexical s'impose. Comme l'explique Marc Fiorentino, spécialiste
des marchés financiers, il y a trois niveaux de crise financière :
1. La correction : "Quand les
marchés baissent de 10% - c'est ce que nous avons eu ces derniers jours -, on
parle de correction. Une fois celle-ci opérée, les marchés remontent."
2. Le marché baissier (Bear Market) :
"Quand les marchés baissent de 20%, on dit qu'on entre en territoire
baissier. Cela créé de l'incertitude et, sans réaction de la part des autorités
et des acteurs financiers, cela peut mener au krach."
3. Le krach : "Il n'y a pas
de pourcentage précis pour un krach. Il s'agit plutôt du moment où il y a un
effondrement brutal des marchés. C'est la rapidité de la baisse qui va donc
permettre de définir le krach."
Il est difficile de prédire un krach boursier, mais les spécialistes des
marchés savent en détecter les signes prémonitoires.
Et l'un d'entre eux est d'ores et déjà avéré : la correction
opérée cette semaine est l'une des plus rapides de l'histoire du CAC 40.
Cette rapidité est le signe d'un emballement, un des signes précurseurs
du krach.
Le coronavirus n'est pas la cause de la
chute des marchés, c'est le catalyseur
Mais, paradoxalement, cette chute était attendue depuis longtemps.
"Nous sommes dans une situation macroéconomique très fragile depuis
de nombreux mois, explique Anne-Laure Delatte, responsable de l'équipe macro et
finance au CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations
internationales).
On échappe à la récession grâce aux banques centrales qui soutiennent
considérablement l'activité économique, mais cette capacité de soutien pourrait
avoir des limites.
Depuis plus d'un an,
tous les acteurs ne se demandent pas s'il va y avoir une crise, mais quand
celle-ci va intervenir."
Le rôle déterminant des banques centrales
"Le coronavirus n'est pas la cause de la chute des marchés,
c'est le catalyseur, abonde Marc Fiorentino, c'est l'étincelle qui déclenche
un phénomène qu'on attend déjà depuis longtemps."
Ce serait la première fois de l'histoire des bourses qu'une crise
sanitaire engendre une crise financière.
"Les dernières épidémies (Sras, grippe aviaire, Ebola…) ont eu lieu
à un moment où les chaînes de valeur n'étaient pas aussi intégrées, explique
Anne-Laure Delatte.
Une chaîne de valeur, c'est l'interdépendance dans la chaîne de
production entre une série de pays.
Par exemple, la Chine fabrique et envoie des pièces détachées dans un
pays de l'Europe de l'Est qui les assemble, exporte vers l'Allemagne ou la
France qui achèvent le processus de fabrication sur place. Aujourd'hui, quand
la Chine arrête une usine, des usines s'arrêtent aussi dans un certain nombre
de pays".
Les États et les acteurs du monde financier ont conscience de cette
interdépendance.
Si les bourses chutent aujourd'hui, ce n'est pas forcément synonyme de
panique.
"Les investisseurs se préparent au pire, provoquant ainsi la baisse
actuelle. Mais si le pire n'arrive pas, cette forte baisse ne sera qu'une
correction et la tendance haussière reprendra", complète la chercheuse du
CEPII.
Les gouvernements doivent trouver le
bon compromis en gérant la crise sanitaire tout en faisant attention aux effets
d'annonce
Ce sont désormais aux banques centrales d'agir pour juguler la crise, si
elles décident de maintenir le niveau de liquidités dans l'économie, la
perspective de krach devrait s'éloigner.
Mais, pour faire fonctionner la planche à billets, le moyen le plus
efficace reste la baisse des taux.
"Or, la plupart des banques centrales n'ont plus vraiment de
munition, les taux en Europe par exemple étant déjà autour de zéro",
souligne Marc Fiorentino. Selon lui, "seuls la Chine et les États-Unis ont
encore des marges de manœuvre".
Les États européens impuissants?
En Europe, la situation est d'autant plus compliquée que trois signes
inquiètent les spécialistes :
·
Le dossier du Brexit n'est toujours pas réglé.
·
Les banques italiennes sont toujours très fragiles.
·
Et surtout, l'économie allemande est au bord de la panne, avec une
croissance de 0,6% en 2019.
Le continent européen
se trouve donc contraint d'attendre les décisions prises à Pékin et Washington.
Et, dans cette période d'incertitudes, les exécutifs sont contraints à
l'inaction.
"D'un côté, les
gouvernements ont envie de rassurer leur population et d'endiguer la pandémie,
par des mesures de confinement par exemple. Et de l'autre côté, ils ne doivent
pas être trop catastrophistes pour éviter de paniquer les marchés, résume
Anne-Laure Delatte.
Il leur faut donc
trouver le bon compromis en gérant la crise sanitaire tout en faisant attention
aux effets d'annonce [vis-à-vis des investisseurs]."
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