lundi 12 novembre 2018

Nissan, Difficile recherche de la profitabilité

Nissan, Difficile recherche de la profitabilité
Source : Bernard Jullien, Maître de Conférence à l'Université de Bordeaux et conseiller scientifique de la Chaire
Nissan a publié la semaine dernière ses résultats pour le deuxième trimestre de l’exercice comptable et pour le premier semestre.
Dans la foulée, on a appris que, pour Renault, ceci ramènerait la contribution de son partenaire à son résultat net de 384 millions d’euros.
On se rappelle que, lors de la présentation des résultats du premier semestre, Renault avait vu passer ses profits nets de 2,4 milliards à 1,95 milliard en raison principalement des "contributions des partenaires" en baisse de 1,32 milliard d’euros à 814 millions. 
De fait, les ventes de Nissan se portent plutôt bien en Asie ainsi qu’en Amérique Latine mais la situation est plus tendue en Europe (Russie incluse) et, surtout, en Amérique du Nord où les parts de marché baissent en même temps sans que la profitabilité de l’activité ne puisse pour l’instant s’améliorer significativement.
Si l’on prend comme base le premier semestre 2017, Nissan vendait 2,73 millions de véhicules pour un chiffre d’affaire de 5 642 milliards de Yens (42,3 milliards d’euros) et réalisait une marge opérationnelle de 282 milliards de Yens (2,1 milliards d’euros soit 5%).
Ce semestre Nissan perd 50 000 ventes (- 1,8%), 167 milliards de Yen (1,3 milliards d’euros soit – 2,1%) de chiffre d’affaires et 70 milliards de Yens (540 millions d’euros) de marge opérationnelle (- 25,4% avec un taux de marge opérationnelle ramené à 3,8%).
Ce résultat global ressort comme le résultat de tendances contradictoires selon les régions et pays.
Au Japon d’abord, sur un marché globalement stable, Nissan a fait un peu mieux que le marché en augmentant ses ventes de 0,5% pour gagner 0,1% de part de marché.
Toutefois là où l’activité générait une marge de 182 milliards de Yens (presque les deux tiers de la marge totale), celle-ci ne génère plus que 110 milliards (- 37,5% et à peine plus de la moitié du total).
Tout se passe comme si la défense de la part de marché n’avait pu être assurée que par de coûteux efforts : le coût des "incentives" n’a décru que de 7,4 milliards de Yens et ceci a permis d’avoir des effets conjugués de volume (négatif) et de mix (positif) qui s’annihilent.
En Chine, le tableau est nettement plus reluisant puisque, sur un marché qui n’a cru que de 5,1%, les ventes de Nissan croissent de 10,7% et sa part de marché passe de 5,2 à 5,4%.
Ainsi, en 2018, en volume, la Chine avec 720 000 unités vendues passe devant les États-Unis où Nissan n’a écoulé que 709 000 voitures.
De même, chiffre d’affaires et profits croissent de 4% dans la zone Asie qui n’assure malgré tout à Nissan que 14% de sa marge (contre 10% en 2017).
En Europe, Nissan perd des volumes en vendant 45 000 voitures de moins en 6 mois (- 14,3%) hors Russie.
En chiffre d’affaires, la baisse est à peine moins ample puisqu’elle est de 12,1% et la marge opérationnelle qui était déjà négative à 5 milliard de Yens en 2017 ressort à – 17 milliards de Yens.
Avec une part de marché en baisse de 0,4 point (à 3,2%), Nissan donne le sentiment de ne pas avoir trouvé de relais aux Qashqai et Juke aujourd’hui "dans le peloton" des SUV des segments C et B après avoir fait pendant de longues années la course en tête.
De tels résultats sur un marché qui était encore porteur ne lassent pas d’inquiéter dans une conjoncture européenne qui semble, sur tous les marchés de VN, France mise à part, en passe de se retourner.
Tout ceci serait finalement assez tenable s’il n’y avait l’Amérique du Nord. En effet, pour Nissan, en termes de chiffre d’affaires, les marchés de l’Alebna représentent plus de la moitié des recettes : 23,3 milliards d’euros (55% du total) pour un peu plus d’un million de véhicules au premier semestre 2017 et 22,3 milliards d’euros (52,3%) pour 942 000 véhicules vendus au premier semestre 2018.
Là, la situation et la stratégie ressortent un peu comme symétrique à celle que l’on constate au Japon. En effet, au Japon, en 2017, les marges avaient tendance à croître assez fortement et il semble qu’il ait été décidé de rogner un peu sur ces marges confortables pour tenir ses parts de marché.
En Amérique du Nord, en 2017, les marges s’étaient très fortement érodées puisqu’elles avaient été au S1 2017 en chute de 42% : au S1 2016, les marges qu’assuraient les marchés américains étaient proches de celles réalisées au Japon ; au S1 2017, le Japon ressortait comme un marché porteur (avec trois fois moins de volumes) de deux fois plus de marges.
La stratégie a alors été d’améliorer la profitabilité des ventes quitte à laisser un peu filer les volumes et les parts de marché et, de fait, les volumes baissent de 9% mais le chiffre d’affaire de 6,7% seulement et, surtout, la marge opérationnelle croît de 3,2%. La vertigineuse chute des marges est enrayée même si l’Amérique du Nord n’est plus la machine à cash qu’elle a été par le passé.
De fait, pour Nissan, en Europe comme aux États-Unis, les tendances baissières du marché rendent la quête des « ventes profitables » compliquée puisqu’elles amènent dans un premier temps au moins la concurrence à laisser filer les dépenses commerciales et mettent les constructeurs qui ne rentrent pas dans cette logique en butte à de lourdes baisses de volume et de parts de marchés.
Nissan annonce ainsi avoir réduit en un semestre lesdites dépenses de 112 milliards de Yens (862 millions d’euros) : 28% de ces "économies" ont concerné l’Europe et 59% les États-Unis.
Il en résulte un impact très négatif de la combinaison volume/mix sur sa marge opérationnelle qui est chiffré par Nissan à -136 milliards de Yens et excède donc l’impact positif que l’économie de dépenses commerciale a sur la marge.
Pour l’Europe, la dégradation de la marge liée aux baisses de volumes est bien loin d’être corrigée par un effet mix très légèrement positif et la baisse de marge qui résulte de l’effet volume mix est 1,69 fois plus importante que la baisse des frais commerciaux.
Aux États-Unis dégradation du mix (faible) et baisses des volumes (importantes) se combinent pour générer un impact négatif sur la marge 1,87 fois plus important que l’économie faite sur les "incentives".
Ceci ne signifie pas qu’il faille "à tout prix" défendre ses volumes en laissant filer les « incentives » : il n’est pas du tout certain que sans les économies en question, Nissan aurait pu maintenir ces volumes et/ou améliorer son mix.
Tout le problème ici est de trouver, lorsque la capacité de séduction de la gamme n’est pas parfaitement assurée et que le marché se tend, le bon réglage.
Aux États-Unis, les deux dernières années avaient été placées sous le signe d’une espèce d’un maintien sous perfusion d’un marché haussier par des constructeurs qui avaient laissé filer les incentives au-dessus de 11% des valeurs de transaction.
Malgré la difficulté à vendre des véhicules que chacun souligne et qui renvoi à des valeurs résiduelles en baisse, à l’augmentation des prix des véhicules et surtout à des taux d’intérêt en augmentation et des règles de solvabilité plus strictes, les incentives sont à la baisse.
Nissan qui était encore au-dessus de 4 000 $ par véhicule selon Auto data Corp les a semble-t-il baissé un peu plus que les autres mais reste au-dessus de la moyenne du marché à 3 734 $.
Avec des stocks de véhicules qui avaient grimpé jusqu’à 990 000 véhicules en décembre dernier et qui ont été ramenés à 860 000 en septembre 2018, ce travail d’assainissement et d’atterrissage semble s’opérer.
Tout indique toutefois qu’il n’est pas terminé et qu’il ne va pas concerner dans les mois à venir que Nissan et les constructeurs très engagés sur le marché américain.

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