Nissan, Difficile recherche de la profitabilité
Source : Bernard Jullien, Maître de Conférence à l'Université de Bordeaux et conseiller scientifique de la Chaire
Nissan a publié la semaine dernière ses résultats pour le deuxième trimestre de l’exercice comptable et pour le premier semestre.
Dans la foulée, on a appris que, pour Renault, ceci ramènerait la contribution de son partenaire à son résultat net de 384 millions d’euros.
On se rappelle que, lors de
la présentation des résultats du premier semestre, Renault avait vu passer ses
profits nets de 2,4 milliards à 1,95 milliard en raison principalement des
"contributions des partenaires" en baisse de 1,32 milliard d’euros à
814 millions.
De fait, les ventes de Nissan
se portent plutôt bien en Asie ainsi qu’en Amérique Latine mais la situation
est plus tendue en Europe (Russie incluse) et, surtout, en Amérique du Nord où
les parts de marché baissent en même temps sans que la profitabilité de
l’activité ne puisse pour l’instant s’améliorer significativement.
Si l’on prend comme base le
premier semestre 2017, Nissan vendait 2,73 millions de véhicules pour un
chiffre d’affaire de 5 642 milliards de Yens (42,3 milliards d’euros) et
réalisait une marge opérationnelle de 282 milliards de Yens (2,1 milliards
d’euros soit 5%).
Ce semestre Nissan perd 50
000 ventes (- 1,8%), 167 milliards de Yen (1,3 milliards d’euros soit – 2,1%)
de chiffre d’affaires et 70 milliards de Yens (540 millions d’euros) de marge
opérationnelle (- 25,4% avec un taux de marge opérationnelle ramené à 3,8%).
Ce résultat global ressort
comme le résultat de tendances contradictoires selon les régions et pays.
Au Japon d’abord, sur un
marché globalement stable, Nissan a fait un peu mieux que le marché en
augmentant ses ventes de 0,5% pour gagner 0,1% de part de marché.
Toutefois là où l’activité
générait une marge de 182 milliards de Yens (presque les deux tiers de la marge
totale), celle-ci ne génère plus que 110 milliards (- 37,5% et à peine plus de
la moitié du total).
Tout se passe comme si la
défense de la part de marché n’avait pu être assurée que par de coûteux efforts
: le coût des "incentives" n’a décru que de 7,4 milliards de Yens et
ceci a permis d’avoir des effets conjugués de volume (négatif) et de mix
(positif) qui s’annihilent.
En Chine, le tableau est
nettement plus reluisant puisque, sur un marché qui n’a cru que de 5,1%, les
ventes de Nissan croissent de 10,7% et sa part de marché passe de 5,2 à 5,4%.
Ainsi, en 2018, en volume, la
Chine avec 720 000 unités vendues passe devant les États-Unis où Nissan n’a
écoulé que 709 000 voitures.
De même, chiffre d’affaires
et profits croissent de 4% dans la zone Asie qui n’assure malgré tout à Nissan
que 14% de sa marge (contre 10% en 2017).
En Europe, Nissan perd des
volumes en vendant 45 000 voitures de moins en 6 mois (- 14,3%) hors Russie.
En chiffre d’affaires, la
baisse est à peine moins ample puisqu’elle est de 12,1% et la marge opérationnelle
qui était déjà négative à 5 milliard de Yens en 2017 ressort à – 17 milliards
de Yens.
Avec une part de marché en
baisse de 0,4 point (à 3,2%), Nissan donne le sentiment de ne pas avoir trouvé
de relais aux Qashqai et Juke aujourd’hui "dans le peloton" des SUV
des segments C et B après avoir fait pendant de longues années la course en
tête.
De tels résultats sur un
marché qui était encore porteur ne lassent pas d’inquiéter dans une conjoncture
européenne qui semble, sur tous les marchés de VN, France mise à part, en passe
de se retourner.
Tout ceci serait finalement
assez tenable s’il n’y avait l’Amérique du Nord. En effet, pour Nissan, en
termes de chiffre d’affaires, les marchés de l’Alebna représentent plus de la
moitié des recettes : 23,3 milliards d’euros (55% du total) pour un peu plus
d’un million de véhicules au premier semestre 2017 et 22,3 milliards d’euros
(52,3%) pour 942 000 véhicules vendus au premier semestre 2018.
Là, la situation et la
stratégie ressortent un peu comme symétrique à celle que l’on constate au
Japon. En effet, au Japon, en 2017, les marges avaient tendance à croître assez
fortement et il semble qu’il ait été décidé de rogner un peu sur ces marges
confortables pour tenir ses parts de marché.
En Amérique du Nord, en 2017,
les marges s’étaient très fortement érodées puisqu’elles avaient été au S1 2017
en chute de 42% : au S1 2016, les marges qu’assuraient les marchés américains
étaient proches de celles réalisées au Japon ; au S1 2017, le Japon ressortait
comme un marché porteur (avec trois fois moins de volumes) de deux fois plus de
marges.
La stratégie a alors été
d’améliorer la profitabilité des ventes quitte à laisser un peu filer les
volumes et les parts de marché et, de fait, les volumes baissent de 9% mais le
chiffre d’affaire de 6,7% seulement et, surtout, la marge opérationnelle croît
de 3,2%. La vertigineuse chute des marges est enrayée même si l’Amérique du
Nord n’est plus la machine à cash qu’elle a été par le passé.
De fait, pour Nissan, en
Europe comme aux États-Unis, les tendances baissières du marché rendent la
quête des « ventes profitables » compliquée puisqu’elles amènent dans un
premier temps au moins la concurrence à laisser filer les dépenses commerciales
et mettent les constructeurs qui ne rentrent pas dans cette logique en butte à
de lourdes baisses de volume et de parts de marchés.
Nissan annonce ainsi avoir
réduit en un semestre lesdites dépenses de 112 milliards de Yens (862 millions
d’euros) : 28% de ces "économies" ont concerné l’Europe et 59% les États-Unis.
Il en résulte un impact très
négatif de la combinaison volume/mix sur sa marge opérationnelle qui est
chiffré par Nissan à -136 milliards de Yens et excède donc l’impact positif que
l’économie de dépenses commerciale a sur la marge.
Pour l’Europe, la dégradation
de la marge liée aux baisses de volumes est bien loin d’être corrigée par un
effet mix très légèrement positif et la baisse de marge qui résulte de l’effet
volume mix est 1,69 fois plus importante que la baisse des frais commerciaux.
Aux États-Unis dégradation du
mix (faible) et baisses des volumes (importantes) se combinent pour générer un
impact négatif sur la marge 1,87 fois plus important que l’économie faite sur
les "incentives".
Ceci ne signifie pas qu’il
faille "à tout prix" défendre ses volumes en laissant filer les «
incentives » : il n’est pas du tout certain que sans les économies en question,
Nissan aurait pu maintenir ces volumes et/ou améliorer son mix.
Tout le problème ici est de
trouver, lorsque la capacité de séduction de la gamme n’est pas parfaitement
assurée et que le marché se tend, le bon réglage.
Aux États-Unis, les deux
dernières années avaient été placées sous le signe d’une espèce d’un maintien
sous perfusion d’un marché haussier par des constructeurs qui avaient laissé
filer les incentives au-dessus de 11% des valeurs de transaction.
Malgré la difficulté à vendre
des véhicules que chacun souligne et qui renvoi à des valeurs résiduelles en
baisse, à l’augmentation des prix des véhicules et surtout à des taux d’intérêt
en augmentation et des règles de solvabilité plus strictes, les incentives sont
à la baisse.
Nissan qui était encore au-dessus
de 4 000 $ par véhicule selon Auto data Corp les a semble-t-il baissé un peu
plus que les autres mais reste au-dessus de la moyenne du marché à 3 734 $.
Avec des stocks de véhicules
qui avaient grimpé jusqu’à 990 000 véhicules en décembre dernier et qui ont été
ramenés à 860 000 en septembre 2018, ce travail d’assainissement et
d’atterrissage semble s’opérer.
Tout indique toutefois qu’il
n’est pas terminé et qu’il ne va pas concerner dans les mois à venir que Nissan
et les constructeurs très engagés sur le marché américain.
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