vendredi 4 août 2017

Le Diesel n’a pas encore dit son dernier mot aux Etats-Unis


Le Diesel n’a pas encore dit son dernier mot aux États-Unis
 
L’histoire du diesel aux États-Unis est assez tourmentée. Les premières tentatives remontent aux années 1970. A l’époque, Mercedes tentait de sortir ce type de motorisation de son image agricole et industrielle en proposant la classe S (W116 puis W126) et la classe E (W123 et W124) en turbo diesel. GM avait suivi avec les versions diésélisées d’un V6 et d’un V8 Oldsmobile mais l’expérience a tourné court en 1985 après seulement 7 ans.

Chez Ford, il y a eu quelques tentatives avec des motorisations d’origine Mazda et BMW. Une des expériences les plus marquantes pour les français a été le marché remporté par Peugeot pour équiper des flottes de taxi à New-York City et à Los Angeles avec des 505 Turbo-Diesel automatiques.

Le Diesel n’a jamais disparu des utilitaires (pick-up trucks) et il a refait son apparition dans les années 1990 sous le capot de la Volkswagen Jetta, les débuts d’une stratégie plus que controversée pour le groupe de Wolfsburg (1).

Aujourd’hui, certains constructeurs semblent reprendrent la route de l’homologation pour les motorisations Diesel après les nombreux doutes sur l’avenir de ce carburant suite au Dieselgate de Volkswagen et aux problèmes de conformité chez FCA.

Les difficultés de la législation

Le Diesel a toujours reçu un accueil mitigé de la part du public américain. Pour le législateur, 2004 a marqué une étape majeure dans la commercialisation des motorisations fonctionnant au gazole. En effet, le durcissement des normes d’émission a contraint la plupart des constructeurs à réduire, voire suspendre, la commercialisation des véhicules entre 2004 et 2007.

L’implémentation des nouvelles normes a imposé aux constructeurs de dépolluer les moteurs Diesel. En moins de 4 ans, ils ont dû installer des filtres à particules puis des systèmes SCR pour réduire les NOx de façon efficace. Les coûts engendrés étaient conséquents et une hausse de tarif semblait difficile à justifier. En effet, malgré des consommations plus basses, le Diesel peine à séduire les Américains.

Il faut se remettre dans le contexte pour mieux comprendre la situation. Le Diesel a longtemps été associé aux véhicules utilitaires, industriels et agricoles. La faible puissance des premiers moteurs et la rugosité à l’usage de ces motorisations bruyantes n’ont pas laissé un bon souvenir. Pour couronner le tout, le gazole à la pompe est plus cher que l’essence.

Dans les Etats du Sud, il peut même dépasser de plus de 50% le prix de l’essence. Par ailleurs, le coût d’entretien est plus élevé qu’un véhicule essence, surtout aux Etats-Unis où les motorisations essence ont une cylindrée élevée et un rendement raisonnable (40 à 70 ch/L). Contrairement à l’Europe, l’intérêt des motorisations Diesel est plutôt limité, voire inexistant.

Puisque Volkswagen avait choisi de baser sa stratégie de croissance Nord-Américaine sur le Diesel, il a fallu mener une campagne d’influence. C’est ainsi que Volkswagen a pu promouvoir sa campagne de Clean Diesel (Diesel propre) et obtenir du gouvernement Américain des primes à l’achat.

En effet, la consommation plus faible des motorisations au gazole ne suffisait pas à les rendre attractives puisque l’entretien et le prix du carburant effaçaient le gain sur la route. Petit à petit d’autres marques ont suivi Volkswagen, principalement des marques allemandes (BMW, Mercedes) et les autres marques du groupe Volkswagen présentes en Amérique du Nord (Audi et Porsche). FCA et GM ont ensuite commercialisé des motorisations Diesel dans les Jeep Grand Cherokee, Ram 1500 (pick-up medium duty ou charge moyenne), Chevrolet Cruze et Colorado (pick-up light duty ou faible charge)

Recul des ventes et rappels en masse

La tricherie de Volkswagen a porté un coup aux ventes des véhicules équipés d’une motorisation Diesel aux Etats-Unis. En dehors des utilitaires légers, les ventes de véhicules Diesel sont passées de 138 000 véhicules en 2013 et 2014 à 97 314 en 2015 puis 19 016 en 2016 (2). En proportion, cela fait moins de 1% du marché mais c’est surtout un recul de 86% en 4 ans.

Aux Etats-Unis, les modèles du groupe Volkswagen représentaient plus de 70% des ventes de véhicules Diesel. Le Dieselgate a semé le doute chez les consommateurs et les autorités américaines ont scruté l’ensemble des modèles disponibles aux Etats-Unis. Si on analyse les statistiques américaines avec un œil français, l’effondrement des ventes de véhicules particuliers a été partiellement compensé par l’arrivée d’utilitaires légers Diesel chez les constructeurs américains (3).

Volkswagen a été condamné à reprendre 340 000 véhicules. Dans le même temps, le constructeur a obtenu en mars dernier l’autorisation de commercialiser 67 000 véhicules du millésime 2015 après mise en conformité de ces véhicules (4).

La semaine dernière, une étape supplémentaire a été franchie puisque Volkswagen a présenté une solution technique pour la mise en conformité de 326 000 véhicules équipés du 2.0 Diesel. Cette solution a reçu l’accord des autorités américaines, à savoir le CARB et l’EPA (5).

C’est un premier pas vers le retour ou le maintien sur le marché de 98% des 2.0L TDI concernés par la fraude (6). En effet, Volkswagen doit ensuite demander l’approbation des autorités pour commercialiser de nouveau les modèles qui ont déjà été rachetés aux clients de la marque.

La modification proposée inclut une nouvelle gestion moteur et le remplacement de certains éléments du système de dépollution. Les performances des véhicules ne devraient pas changer mais la consommation pourrait être en hausse d’environ 2mpg (moins de 0,4 L/100km pour ces modèles). Si Volkswagen parvient à remettre sur le marché ces véhicules, ce qui apparaîtrait normal, cela pourrait adoucir la facture globale du Dieselgate pour le constructeur.

Parmi les rappels les plus remarqués, celui de FCA qui vient de résoudre en partie ses problèmes avec l’Agence de Protection de l’Environnement Américaine (EPA).

Le moteur 3.0 Diesel des pick-up Ram 1500 avait été suspendu à la commercialisation et attendait une mesure corrective de la part du constructeur (7). C’est maintenant chose faite, du moins pour les modèles 2017 dont la production avait été suspendue.

Le conflit entre les autorités américaines n’est pas résolu pour les modèles 2014 à 2016 (Grand Cherokee et Ram). Il est reproché au constructeur d’avoir eu recours au même type de tricherie que Volkswagen. L’affaire pourrait encore durer.

Un rebond attendu et anticipé à court terme

Il est encore tôt pour tirer des conclusions mais force est de constater que les constructeurs ont poursuivi l’homologation et la commercialisation de motorisations Diesel malgré les doutes et les annonces de ces derniers mois (8).

Les modèles au gazole sont plus nombreux même si l’image de ce type de motorisation est plutôt très écornée. Le prix du pétrole à la pompe ($2.20 le gallon soit 0,51€ le litre) et le carburant ne se trouve pas à toutes les pompes.

Le Diesel reste commercialisé et bénéficie d’une offre plus large car les plans de lancement sont maintenus. Cependant, les doutes sont nombreux pour les futures générations de modèles. En effet, les constructeurs américains sont en pleine rationalisation de leurs gammes et les parts de marché du Diesel sont très faibles pour les véhicules particuliers (en hausse pour les utilitaires légers).

Il est fort possible que les modèles actuels soient le chant du cygne pour les motorisations Diesel, du moins sous leur forme actuelle. L’avenir du Diesel en Amérique du Nord dépend de nombreux facteurs tels que l’évolution des normes sous l’administration Trump, les variations du prix du pétrole, la recherche sur les nouvelles technologies utilisant des carburants connus et l’évanouissement des subventions pour les groupes motopropulseurs électriques. Il ne faut jamais jeter le bébé avec l’eau du bain.

Bertrand Rakoto

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