lundi 30 avril 2018

Chine La naissance des nouvelles hiérarchies automobile



Chine
La naissance des nouvelles hiérarchies automobile

Source : Bernard Jullien, AutoActu.com.

Chaque salon automobile annuel en Chine  à Pékin les années paires et à Shanghai les années impaires est l’occasion de réentendre les sempiternelles craintes de voir déferler sur les marchés américains ou européens des vagues d’exportations chinoises.
Chacun sait que, dans cette industrie, ce n’est pas ainsi que les choses se passent et que si les constructeurs chinois ont des ambitions à l’international alors il leur faut investir localement soit pour racheter des entreprises soit pour y développer des outils de production.
C’est ce qui conduit BYD à construire une usine marocaine. C’est ce que Geely a entrepris en rachetant Volvo et Lotus.
Comme le dit son PDG, Li Shufu : “le rêve de Geely est de devenir une entreprise globale. Pour y parvenir, nous devons sortir du pays.” (1).

Ce mouvement existe bien et n’est plus l’apanage des seules entreprises privées qui paraissaient autrefois limitées dans leur développement commercial en Chine : les entreprises d’État partenaires des grands groupes japonais, coréens, américains ou européens font également mouvement. SAIC est aussi partenaire de GM à l’international et, en particulier, en Inde.
Dongfeng a annoncé en prenant 14% de PSA que son but était aussi de s’adosser à ce partenariat renforcé pour progresser sur les marchés de la région.

Il n’en reste pas moins que, pour quelques années encore au moins, l’essentiel se joue en Chine et passe par un rééquilibrage général largement entamé sur les terrains commerciaux, industriels et technologiques. 

Déjà perceptible sur les véhicules thermiques, il est plus manifeste encore sur les véhicules à "nouvelles énergies" (les fameux "NEVs") et correspond à une politique industrielle annoncée en 2015 sous le mot d’ordre "made in China 2025" (2) qui apparaît beaucoup moins velléitaire et beaucoup plus effective que celles qui avaient pu être annoncées dans la décennie passée.

Pour s’en convaincre, il suffit de se souvenir qu’il y a encore cinq ans, on voyait les marques chinoises que le gouvernement voulait majoritaires plafonner à 30% du marché. En 2017, lesdites marques ont assuré 45% des ventes et atteignent 63,8% du marché florissant des SUV sur les trois premiers mois de 2018. 

Ainsi dans le top 20 de 2017, on trouve une Wuling, une Haval, deux Baojun, une GAC, deux Geely, une Changan et une Roewe alors que Volkswagen place encore 6 modèles, Buick 2 et Nissan, Toyota et Ford un (3). 

Avec respectivement 248 000 ventes (4) et 132 000 (5), Peugeot et Citroën sont loin derrière les ventes de leurs partenaires sous leurs propres couleurs puisque Dongfeng a vendu 640 000 véhicules sous ses propres marques (Dongfeng, Dongfeng Fengguang, Dongfeng Fengxing and Dongfeng Fengshen) (6) et Changan plus de 1 million (7). 

Les marques chinoises existent désormais et les produits qu’elles proposent ne sont plus perçus comme très en deçà de ce que les grands mondiaux viennent essayer de vendre.

Néanmoins, comme le souligne Dieter Zetsche“les barrières à l’entrée sont plus basses sur le véhicule électrique que sur les véhicules traditionnels pour lesquels les firmes en place ont accumulé 130 ans d’expérience” (8) et c’est très clairement ce qui motive, au-delà des arguments sanitaires ou écologiques, la politique très volontariste des autorités sur ce terrain. 

Il s’agit d’organiser le marché pour l’électrifier et le siniser : l’objectif qui s’inscrit dans le cadre du "made in China 2025" est de faire en sorte que le marché du véhicule électrique soit contrôlé par les producteurs domestiques à 70% en 2020 et 80% en 2025. 

Ce marché doit, rappelons-le, représenter 10% des immatriculations de véhicules conventionnels dès 2019, 12% en 2020 (9) …
Le non-respect de cette obligation conduit à des pénalités qui peuvent être levées en rachetant à ceux dont les quotas sont supérieurs à la norme leurs crédits : ceci revient à organiser une subvention massive et systématique du thermique vers l’électrique. 

En l’état actuel du marché, ceci amènerait les grands constructeurs mondiaux à booster les performances des acteurs chinois qui assurent une domination écrasant du marché.
En effet, sur les trois premiers mois de l’année en cours, le marché du véhicule électrique a doublé pour atteindre 122 000 unités dont 79 500 VE et 37 380 hybrides rechargeables  (10).
Cela correspond à une croissance de 136% par rapport à la même période en 2017. BYD, BAIC, SAIC, JAC, Chery, Hawtai, Zhidou, JMC, Geely et Zotye trustent les 10 premières places. 

Dans le top 20 des VE les plus vendus, le seul modèle non chinois est la Tesla Model X qui pointe à la 15ème place avec 1 500 ventes en mars (11).
Si l’on sait que le marché américain a représenté 200 000 NEVs l’an passé et le marché chinois 780 000 et que l’on prévoit pour 2018 des chiffres qui seront de, respectivement, 400 000 et 1 000 000 (12), il est très clair que le gap est fait et que le VE est en train de se développer en Chine sur des standards qui ne sont pas ceux qu’ont proposé jusqu’ici les grands constructeurs mondiaux.
 
Le cœur de l’offre en Chine se situe entre 80 000 et 100 000 yuans (10 000 et 13 000 euros) et le problème, pour les grands constructeurs mondiaux, est donc de taille.
S’ajoute à cela, le travail fait par les politiques chinois pour structurer la filière et contraindre les constructeurs à développer des véhicules équipés de batteries chinoises et vendus sous des marques locales. 

Pour cela, ils soutiennent par exemple Contemporary Amerex Technology Ltd (CATL) qui produit des batteries Li-Ion et va investir 1,3 milliard de dollars dans une nouvelle usine dont les capacités dépasseront celles de Tesla et devraient être à même de satisfaire les besoins de GM, Nissan et Audi. Pour alimenter ces capacités, tout est fait pour sécuriser les approvisionnements en cobalt et Lithium.
Ainsi China Molybdenum Co. est devenu en 2016 le second extracteur de cobalt après Glencore Plc en prenant le contrôle de Tenke Fungurume en République démocratique du Congo.
Glencore a annoncé en mars qu’elle livrera dans les trois prochaines années un tiers de son minerai à GEM Co. un autre fabricant chinois de batterie. 

Comme l’indique Michael Dunne : "La Chine ne s’est jamais cachée de son ambition de se doter d’une industrie automobile majeure et puissante. Elle fait tout aujourd’hui pour dominer l’industrie mondiale du VE." (13).


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