Tesla peut-il s’en sortir ?
Source : Bertrand
Rakoto, Autoactu.com.
Tesla est un
constructeur intéressant à plus d’un titre, le premier étant celui d’avoir su
rendre la voiture électrique attirante en tant que produit. En effet,
jusque-là, les constructeurs semblent avoir régulièrement confondu
originalité et marginalité pour s’être toujours efforcés de faire des
soucoupes volantes à roulettes ou des cubes avec des phares de remorque.
Il a fallu attendre
Tesla pour voir naître une certaine émulation et l’arrivée des Bolt ou Zoé et
prochainement des Porsche Mission E et autres BMW i. Le second intérêt de
Tesla est d’avoir su prouver qu’une voiture correcte peut naître vite si elle
est conçue par une équipe efficace, dédiée et sans le parasitage de process
lourds et de cultures corporatistes désincarnées.
Le troisième
attrait de Tesla est son tour de force en s’imposant comme marque de luxe
sans posséder ni passé ni histoire grâce à un storytelling fort et un
greenwashing qui l’est encore plus.
Enfin, le dernier
intérêt de Tesla est d’avoir réussi à attirer autant d’investisseurs sans
offrir la moindre perspective crédible de profitabilité. C’est peut-être
d’ailleurs là que réside le seul et véritable intérêt de Tesla.
Des problèmes qui
s’accumulent
Mais la médaille a son revers. Tesla a su adopter de nombreux travers avec une rapidité sans pareil.
La culture de
l’entreprise est très fragile et le passage de start-up à celui d’industrie a
eu quelques conséquences.
La montée en
cadence ratée de la Model 3, les effets de manche et les diversions pour
camoufler les manquements, les promesses non respectées et des retards
systématiques sont autant de preuves que Tesla accumule les difficultés sans
les surmonter.
La vitrine du
greenwashing se fissure face aux réalités environnementales de la voiture
électrique mais aussi face aux accusations et enquêtes liées à la pollution
émise par l’usine de Fremont en Californie.
Les menaces et les
procès se multiplient. Aujourd’hui, 28% des actions sont désormais aux mains
d’investisseurs qui parient sur l’échec de l’entreprise. Tout semble vouloir
indiquer que l’aventure pourrait rapidement tourner court.
Les difficultés
rencontrées par l’entreprise sont nombreuses et la plupart étaient totalement
prévisibles.
En effet,
l’ensemble des problèmes en amont de la mise en production de la Model 3
étaient facilement identifiables. Parmi les principaux soucis rencontrés,
trois sont assez évidents.
Premièrement,
l’instabilité des prévisions n’a pas permis aux équipementiers mais aussi à
Tesla lui-même de sécuriser les productions et les approvisionnements de
pièces. Les premiers retards auraient mêmes eu tendance à réduire les
prévisions, c’est un cercle vicieux.
Deuxièmement,
l’entreprise court après la trésorerie et a décidé de se passer de la
pré-production et des pré-séries qui jouent pourtant un rôle majeur dans l’ajustement
des pièces, des solutions techniques et des cadences. Les Model 3 produites
sont mal ajustées, les cadences chaotiques et il semble que 90% des véhicules
nécessitent des retouches en fin de chaîne. Les économies d’hier augmentent
fortement les coûts d’aujourd’hui et ralentissent l’augmentation des revenus.
Une culture
singulière mais toxique
La force de Tesla
c’est la mentalité manichéenne attachée à la marque. Une approche entretenue
par le management. Le dernier email de Musk aux employés de l’entreprise
tente de remotiver tout en frôlant la propagande.
On peut également
lire en filigrane une opposition entre Tesla et le reste du monde. On est
adorateur ou ennemi, la demi-teinte ne semble pas exister. On peut pourtant
aimer l’automobile électrique sans aimer Tesla pour tout un tas de raisons
diverses et variées ou rester parfaitement indifférent à la marque. Ces
nuances ne semblent pas convaincre les adeptes de la marque.
Cet embrigadement
semble pourtant nécessaire pour avancer face aux faiblesses de plus en plus
nombreuses dont la culture souffre. Les problèmes de racisme émergent, les
rumeurs de licenciements pour empêcher une syndicalisation de l’entreprise se
multiplient.
La culture est
caractérisée par une course en avant perpétuelle. Les problèmes, même
identifiés, ne sont pas traités. Le management pousse à une marche forcée
permanente tout en utilisant l’artifice du marketing opportuniste à chaque
occasion où un défaut se présente pour tenter d’en faire un point de
différenciation.
Dans l’email de
Musk, il est, entre autres, question des ajustements de panneaux dont les
tolérances aujourd’hui ne seraient pas acceptables pour n’importe quelle
autre marque. Mais à regarder de plus près, les tolérances sont discutables
jusqu’aux points de soudures et, sans une refonte majeure des process de
production et une meilleure formation des employés, il n’y aura pas
d’amélioration possible.
Cela nécessitera
beaucoup de travail car l’usine est désormais sur-robotisée et surpeuplée
avec près de 6 000 employés. Avec plus de moyens techniques et humains qu’à
l’époque de NUMMI (qui avait au plus haut 5 400 personnes), Tesla peine à
extraire plus de 120 000 véhicules annuels d’une usine qui en avait produit
près de 430 000 en 2006 et en 2007.
Une inquiétude grandissante
Malgré l’apparente
confiance de Musk dans sa communication, ses positions ont de quoi être
inquiétantes. En effet, la kermesse du patron qui dort le long de la chaîne
de production participe au culte de la personnalité mais la diversion tend à
prouver que les problèmes profonds ne sont pas résolus. Ils doivent l’être
par les nombreux techniciens et ingénieurs de Tesla dont les compétences ne
sont pas moins nombreuses qu’ailleurs.
L’entreprise doit
améliorer sa culture dans les faits et pas seulement sur Twitter. Musk a
admis avoir sous-estimé l’humain. Faut-il en déduire que la culture de son
entreprise s’est trouvée désincarnée en moins de 15 années d’existence ?
Les analystes sont
de plus en plus nombreux à parler d’une cessation de paiement ou d’une
faillite dans les mois qui viennent, chiffres à l’appui. Une levée de fonds
semble difficile dans le climat actuel et le principal moyen de poursuivre
l’activité est de parvenir à augmenter la production pour vendre et générer
des revenus.
Mais les pertes par
véhicules risquent au contraire d’augmenter les dettes malgré l’encaissement
du produit des ventes. C’est une course contre la montre pour survivre et
payer les factures. Tesla est contraint de limiter les ventes de Model 3 aux
clients qui veulent un véhicule suréquipé (panier moyen supérieur à $50,000)
alors que les crédits d’impôts sont en passe d’être épuisés. Pour rappel, l’État
américain offre aux acheteurs de VE un crédit d’impôt de $7,500 pour les 200
000 premiers véhicules électriques d’un constructeur.
Le Ponzi des prises
de commandes de Model 3, de Roadster et de camion n’est plus suffisant pour assurer
la suite. Malgré cela, Tesla pourrait révéler un nouveau modèle, une compacte
ou un cross over (Model Y) pour enregistrer de nouvelles réservations. Mais
le subterfuge risque de se voir.
La perspective
d’ouverture du marché chinois apporte un peu d’espoir dans un tableau qui se
noircit.
Par ailleurs, le
soutien des fonds de pension sécurise pour le moment la situation. Pour eux,
le potentiel compte plus que le réel. Et, lorsque l’on regarde la structure
du bonus de Musk, il est permis de se demander si l’entreprise aurait un
quelconque objectif de profitabilité.
Le patron (Elon Musk) toucherait 50 milliards de
dollars à l’issu d’un plan de croissance du capital visant à atteindre 650
milliards de dollars.
Une telle démarche
tient plus dans la séduction des investisseurs que dans la profitabilité et
la réussite de l’entreprise. On pourrait en venir à prendre Tesla pour une
vitrine servant à réunir des investisseurs sur la promesse d’une
capitalisation démesurée, sous couvert d’une activité de véhicules environnementaux,
un subterfuge parfait.
Dans ce contexte,
les investisseurs éviteraient soigneusement que les actions n’atteignent le
seuil de $200 que beaucoup d’investisseurs se sont fixés en pariant contre
Tesla.
Dans cette
hypothèse, l’entreprise ne pourrait survivre que si la couverture reste
crédible. Et au-delà des problèmes de fonds qui peuvent trouver une issue,
l’entreprise s’expose de plus en plus à des procédures légales engageant sa
responsabilité.
L’entreprise a
récemment été exclue d’une enquête sur la mort d’un conducteur de Model X.
Par ailleurs, le système d’assistance à la conduite Autopilote est souvent
montré du doigt faute de formation et d’information. Les conséquences
pourraient se chiffrer en milliards et Tesla perdrait alors le soutien des
investisseurs.
Quoi qu’il en soit,
on ne peut douter de la volonté de Musk à changer d’échelle même si les
méthodes ne semblent pas être les bonnes. En cas d’échec et de dévaluation
soudaine, ne serait-ce qu’à 10% de sa valeur maximale, Tesla serait alors à
la portée d’un nouvel investisseur capable de remettre à plat la production,
voire faire du carry-accross avec d’autres modèles.
Une hypothèse dans
laquelle Musk empocherait tout de même entre 1 et 2 milliards, un lot de
consolation que beaucoup jugent acceptable.
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