Les conséquences d’une politique automobile
protectionniste aux États-Unis ?
Source : Bertrand Rakoto, Auto Actu.com
Les contours de la politique
du gouvernement américain se dessinent car ils suivent la logique de l’emploi
local et de la préservation de certaines industries.
Ce protectionnisme a un effet
positif immédiat sur le chômage mais les effets secondaires sont nombreux.
Pour le moment, il reste
compliqué de vraiment comprendre les résultats à moyen et long terme que
pourraient engendrer la restriction ou l’augmentation du prix des véhicules
importés.
Du point de vue des ventes,
les effets immédiats se traduiraient par une baisse des ventes estimée à 1
million de véhicules par le cabinet d’analyse LMC Automotive.
Du point de vue économique,
l’impact serait ressenti à la fois par les réseaux et par les constructeurs.
En effet, la tendance de
marché est marquée par une légère régression du fait d’un ajustement nécessaire
après plusieurs années d’un redressement résultant de la crise comme je
l’expliquais, ici même, en janvier.
L’argument des emplois
Le cheval de bataille est et
reste l’emploi. Fort de vouloir satisfaire l’électorat qui l’a placé à la tête
du pays, le gouvernement n’hésite pas à faire preuve de protectionnisme jusqu’à
frôler l’isolationnisme, avec des conséquences variées.
L’impact sur l’emploi est
réel et immédiat avec un taux de chômage de moins de 5%, soit celui d’un quasi
plein emploi.
Les marchés financiers
restent enthousiastes avec un Dow Jones qui campe au-dessus de 24 000 points
malgré une stabilité toute relative ces dernières semaines. Il faut aussi noter
que l’investissement et la consommation ont été dopés par la réforme fiscale.
Aujourd’hui, l’argument du
gouvernement repose sur la nécessité de produire plus d’automobiles aux États-Unis
et, par conséquent, de limiter les importations d’Asie (Japon, Corée et Chine),
d’Europe (Allemagne essentiellement, mais aussi de France et d’Italie) mais
aussi des partenaires historiques de la zone Nafta à savoir le Canada et le
Mexique.
En effet, d’après CAR (Center
for Automotive Research), 17,3 millions de véhicules ont été vendus aux États-Unis
en 2017 et avec une production de 11 millions de véhicules dont 2,4 millions
ont été exportés.
Seulement 8,6 millions de
véhicules ont été produit et consommés sur place soit la moitié de la demande.
Une taxe à l’importation
serait immédiatement répercutée sur le prix de vente des véhicules et réduirait
d’autant le pouvoir d’achat des consommateurs sans pour autant favoriser la
production locale car la plupart des usines tournent actuellement à plein
régime.
Il faudrait donc plusieurs
années pour que la production locale soit à la hauteur de la demande.
A l’heure où certains
constructeurs souffrent encore de surproduction dans certaines zones
géographique, cela ne ferait qu’augmenter les capacités de production et donc
les coûts pour les constructeurs, sans même que la demande soit adaptée.
Les premiers à souffrir d’une
taxe d’importation seraient donc les consommateurs puis les réseaux.
L’impact serait également
nocif pour les constructeurs qui se retrouveraient en surproduction au niveau
des usines alimentant les États-Unis.
Si à très court terme le jeu
des emplois se vérifie, à moyen et long terme, le marché a de fortes chances de
s’écrouler et d’emporter de nombreux emplois dans sa chute.
Des impacts complexes à définir
Dresser des barrières
douanières a des effets secondaires parfois durs à définir. Il se dit aux États-Unis
que chaque emploi dans l’usine d’un constructeur génère 15 emplois dans le
reste de la filière.
Mais la mécanique n’est pas
aussi simple d’autant que les récentes taxes d’importation sur l’acier et
l’aluminium ont également des conséquences en matière de prix et de
productivité.
D’une part, le
protectionnisme favorise souvent des situations de prise d’otage et des hausses
des prix et, d’autre part, toutes les qualités d’aciers et d’aluminiums n’étant
pas produites aux États-Unis, la plupart des entreprises ont dû déployer divers
efforts pour affronter la bureaucratie et obtenir des autorisations d’exemption
de taxes pour les aciers et les aluminiums produits uniquement à l’étranger.
Il n’y a pas de véritable
équilibre dans cette nouvelle donne et même plutôt un déséquilibre dans l’ordre
actuel qui prendrait plusieurs années à se rétablir.
Les conséquences dans la
filière d’approvisionnement seraient, elles, aussi nombreuses puisque les
équipementiers ont suivi les constructeurs à travers deux démarches.
La première est de s’être rapprochée
des lieux de production des constructeurs.
La seconde est d’avoir fait
le jeu de leurs clients qui ont imposé une part de sourcing en pays dit
"low-cost".
La règle du Made in America
aurait donc des conséquences encore plus importantes pour la filière des
fournisseurs de premier et de second rang car les barrières douanières
exigeraient de réorganiser géographiquement les productions alors même que les
usines sont nombreuses à couvrir différents marchés.
Dans certains cas, un choix
stratégique en défaveur d’un marché américain baissier pourrait précipiter une
chute du marché, des emplois et de la demande.
En cas d’application d’une
taxe à l’importation élevée, les impacts pour le marché américain pourraient
être nombreux et difficiles à gérer avec un report vers le marché de l’occasion
comme on a pu le constater en France, pour d’autres raisons, depuis la crise de
2008.
Négociations ou coup de poker ?
Si la politique se précise,
les incertitudes persistent. L’automobile américaine se retrouve malmenée.
Les facteurs de stress du
marché et des industriels sont nombreux. La redéfinition des futures normes
d’émissions semble aller largement au-delà de la demande des constructeurs qui
ne voulaient pas influencer les seuils mais le calendrier d’application.
Les oscillations à la hausse
du prix du pétrole pourraient également faire craindre un changement dans la
nature de la demande et les véhicules les plus frugaux ne sont pas
nécessairement ceux produits sur le territoire Etats-Unien, comme c’est le cas
par exemple de la Toyota Yaris dont les versions 5 portes sont importées de
France.
Enfin, le poids actuel des
investissements dans la connectivité et la conduite autonome ainsi que les
changements technologiques dans l’architecture, la consommation de mobilité et
les services aux personnes troublent le jeu, particulièrement au niveau des
marchés financiers, particulièrement friands de digital et d’autonomie.
Les revenus induits par les
services de mobilité et la monétisation des données ne sont pas encore là et
prendront encore plusieurs années pour être rentables et déployés.
Entre effet d’annonce et mise
en application, le gouvernement américain a déjà prouvé qu’il était capable de
passer à l’acte.
La politique n’est pas
consensuelle et la guerre économique a été déclarée avec la Chine. Les menaces
de taxes ou de représailles sont de plus en plus nombreuses.
Le Président joue une carte
importante car des élections se tiennent en novembre prochain et l’enjeu est
très important car le gouvernement pourrait perdre sa majorité au congrès et se
retrouver avec beaucoup moins de marge de manœuvre.
Pour le moment, il pourrait
s’agir d’annonces visant à séduire l’électorat qui a voté républicain aux
présidentielles de 2016, dont les ouvriers de l’UAW, le syndicat américain des
travailleurs de l’automobile, font partie.
Si le gouvernement passe à
l’acte, constructeurs et équipementiers vont devoir réagir vite pour
réorganiser leur production ou bien faire le dos rond et réduire fortement les
investissements en matière de production et de distribution afin de limiter la
casse le temps que l’orage passe.
Plus que les pays étrangers
tels que la Chine ou l’Allemagne, le premier perdant de cette guerre économique
pourrait être le consommateur américain.
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