lundi 27 août 2018

La vérité derrière la sortie avortée en Bourse de Tesla Source : Bertrand Rakoto, analyste indépendant dans l’intelligence de marché Le feuilleton Tesla se poursuit rebondissement après rebondissement. Le 7 aout dernier, Musk donnait un coup de fouet à l’action Tesla en annonçant qu’il songeait à retirer l’entreprise des marchés financiers en rachetant les actions à $420 pièce et ajoutait que le financement était sécurisé. Puis, le 24 août, il a annoncé que finalement l’entreprise resterait cotée au NASDAQ. Une nouvelle fois en quelques semaines seulement, le gestionnaire talentueux et communicatif s’est violemment pris les pieds dans le tapis. Le tweet d’Elon Musk a déclenché une enquête de la commission américaine des opérations en Bourse (SEC). En annonçant le financement comme sécurisé, Musk a commis deux erreurs majeures. Premièrement, aux États-Unis, la communication des sociétés cotées en Bourse est très régulée et une telle annonce ne respecte pas les règles en vigueur car la sécurisation du financement aurait dû suivre un protocole d’information particulier. Deuxièmement, il est maintenant clair que le financement en question n’était pas sécurisé et Musk aurait désinformé les marchés financiers, autrement dit, il aurait cherché à influencer le cours de Bourse. Cela mène inévitablement à deux hypothèses, la première serait que Musk pensait réellement que le financement était sécurisé, le second est que Musk voulait manipuler le cours de l’action Tesla. Dans les deux cas, sa réaction soulève de lourdes interrogations sur l’avenir de Tesla et la capacité de Musk à pouvoir poursuivre en tant que CEO et Chairman, à peine deux mois après que les actionnaires lui aient renouvelé, in extremis, leur confiance. Un jeu de dupe ? Le premier élément à analyser est la cause du tweet et les raisons qui ont poussé Musk à ajouter « financement sécurisé » dans son message. En effet, l’homme n’est pas un novice et ses actions sont souvent calculées. On peut alors soulever la question des échanges avec le fonds public d’investissement saoudien (PIF). Récemment, le PIF aurait investi dans Tesla et possèderait désormais 5% de l’entreprise. On pourrait supposer que les échanges entre Musk et les représentants de ce fonds, notamment le Prince héritier Mohammed ben Salman, ont évoqué la question d’une prise de participation plus large, éventuellement, dans le cadre d’un retrait de l’entreprise des marchés boursiers. Mais si cela est bien le cas, Musk a pris un risque inutile en annonçant prématurément un accord non scellé. Une telle communication est une erreur de débutant. S’il s’imaginait pouvoir forcer un tel accord en bénéficiant d’un vent favorable des marchés financiers, il a sous-estimé ses interlocuteurs. A ce jour, le PIF n’a pas confirmé l’annonce de Musk mais semble plutôt s’engager dans un investissement d’un milliard de dollars dans Lucid Motors, un futur concurrent de Tesla. Les investisseurs saoudiens montrent leur intérêt pour le véhicule électrique. Il est toutefois nécessaire de rester prudent car la bulle Tesla prouve que le véhicule électrique reste un investissement plus spéculatif que productif. La volatilité du titre Tesla et la décorrélation avec la valeur et les perspectives de l’entreprise prouvent à quel point ces investissements sont risqués et bourrés d’incertitudes. Par ailleurs, l’annonce de Musk suppose qu’il aurait été en mesure de prendre seul la décision de mener la négociation et sceller un accord sans en faire part ni au board ni aux principaux actionnaires. Cela illustre parfaitement l’un des principaux problèmes de Tesla, la concentration des pouvoirs aux mains d’un patron de plus en plus fragilisé. Ces dernières semaines, Musk a accumulé les problèmes entre des excuses publiques et des révélations sur un rythme de vie épuisant mêlant somnifères et surmenage pour un homme qui a du mal à s’entourer et à déléguer. Enfin, la situation financière de Tesla ne place pas l’entreprise sous son meilleur jour, d’autant que les nombreux retards et les promesses non tenues ont érodé la confiance des investisseurs. Musk s’inquiète des shorters mais il continue pourtant à les nourrir avec une communication dont la stratégie laisse entrevoir de plus en plus de maladresses. Pour le moment, Musk a réussi à faire remonter le niveau de l’action mais le yoyo se poursuit et les doutes se multiplient. Opération de la dernière chance ? L’un des principaux problèmes de Tesla est l’absence d’un plan intégré. Trop d’actions sont menées ici et là pour corriger des problèmes ponctuels sans qu’aucune stratégie industrielle claire ne se dégage. L’édification des tentes de production est l’exemple le plus évident de l’échec du système de production de Tesla. Avec plus de machines et plus de personnes, Tesla peine à produire le tiers de ce que GM et Toyota produisaient dans les mêmes locaux 12 ans auparavant. Le renouvellement de la confiance des actionnaires au board en juin dernier a montré la fragilité de la situation et l’équipe actuelle pourrait bien jouer ses dernières cartes. Dans ce contexte, la décision de retirer Tesla de la Bourse pourrait bien être une manœuvre destinée à sécuriser la présence des investisseurs dans l’actionnariat. Mais quel est l’intérêt pour des fonds de pension de ne pouvoir ni spéculer ni obtenir de dividende ? Avec son tweet et l’établissement d’un prix de rachat des actions à $420, Elon Musk a annoncé à mot couvert que l’entreprise pourrait valoir plus de 70 milliards de dollars. Mais sur quelle base faut-il accorder du crédit à une telle perspective à l’heure où Tesla peine à réaliser la montée en cadence de son Model 3, dans un environnement où les risques se multiplient comme par exemple l’augmentation des coûts de garantie ? En faisant une telle annonce, Musk a-t-il voulu camoufler une dégradation de la situation financière de Tesla ? Le ramp-up de la Model 3 coûte cher. La voiture a subi des modifications, dont certaines pourraient être structurelles et, dans ce cas, nécessiter de recertifier le véhicule. Il semble également que la Model 3 ne soit toujours pas homologuée pour l’Europe, un processus qui pourrait nécessiter des modifications du véhicule et cela a un coût. Dans le même temps, les annonces d’investissements se multiplient avec la volonté de construire une usine en Chine et une en Europe. Côté R&D, le développement du camion et du roadster va également devoir être pris en compte puisque de nombreux clients ont signé des chèques pour prendre livraison de leur véhicule. Enfin, le déploiement du réseau de distribution et du réseau de rechargement nécessite lui aussi de mettre la main au portefeuille. En regardant de près, cela fait beaucoup de projets avec des perspectives troubles pour une entreprise accumulant plus de 10 milliards de dollars de dette et qui perd toujours de l’argent. Une année décisive Les manœuvres d’Elon Musk n’impressionnent plus et le jeu de diversion est de moins en moins efficace. La valeur en Bourse de Tesla reste très volatile et peut inciter le dirigeant à chercher à influencer le cours mais l’enquête de la SEC pourrait mettre un terme aux trop nombreuses rumeurs et divagations de Musk. Sans véritablement rentrer dans le rang l’entreprise doit maintenant prouver qu’elle est viable. Le patron de Tesla a finalement fait machine arrière, une décision pleine de sens à l’heure où l’entreprise risque d’avoir très prochainement à lever de nouveaux fonds pour poursuivre son activité. Enfin, il convient de noter que retirer Tesla de la Bourse pourrait éloigner les investisseurs puisqu’une telle manœuvre aurait des implications fiscales importantes pour les possesseurs d’actions eu égard à la plus-value que certains seront à même de réaliser. Tesla reste en Bourse pour le meilleur ou pour le pire pendant que shorters et actionnaires veillent. Enfin, il reste à savoir si les clients seront suffisamment nombreux pour la Model 3 à l’heure où la concurrence arrive à grand pas dans un marché du véhicule électrique qui cherche à éviter la contraction sous l’influence des primes à l’achat. Un quart des réservations pour le Model 3 auraient été annulées alors que la rentabilité du véhicule reste à prouver selon que l’on s’adresse à Sandy Munroe ou à UBS. Course contre la montre ou fuite hâtive, il est difficile de savoir où en est vraiment Tesla au milieu des annonces de son dirigeant dont l’objectif est, sans beaucoup de doutes, de faire diversion et de brouiller les cartes.



La vérité derrière la sortie avortée en Bourse de Tesla

Source : Bertrand Rakoto, analyste indépendant dans l’intelligence de marché


Le feuilleton Tesla se poursuit rebondissement après rebondissement.

Le 7 aout dernier, Musk donnait un coup de fouet à l’action Tesla en annonçant qu’il songeait à retirer l’entreprise des marchés financiers en rachetant les actions à $420 pièce et ajoutait que le financement était sécurisé.

Puis, le 24 août, il a annoncé que finalement l’entreprise resterait cotée au NASDAQ.

Une nouvelle fois en quelques semaines seulement, le gestionnaire talentueux et communicatif s’est violemment pris les pieds dans le tapis.

Le tweet d’Elon Musk a déclenché une enquête de la commission américaine des opérations en Bourse (SEC).

En annonçant le financement comme sécurisé, Musk a commis deux erreurs majeures. Premièrement, aux États-Unis, la communication des sociétés cotées en Bourse est très régulée et une telle annonce ne respecte pas les règles en vigueur car la sécurisation du financement aurait dû suivre un protocole d’information particulier.

Deuxièmement, il est maintenant clair que le financement en question n’était pas sécurisé et Musk aurait désinformé les marchés financiers, autrement dit, il aurait cherché à influencer le cours de Bourse.

Cela mène inévitablement à deux hypothèses, la première serait que Musk pensait réellement que le financement était sécurisé, le second est que Musk voulait manipuler le cours de l’action Tesla.

Dans les deux cas, sa réaction soulève de lourdes interrogations sur l’avenir de Tesla et la capacité de Musk à pouvoir poursuivre en tant que CEO et Chairman, à peine deux mois après que les actionnaires lui aient renouvelé, in extremis, leur confiance.

Un jeu de dupe ?

Le premier élément à analyser est la cause du tweet et les raisons qui ont poussé Musk à ajouter « financement sécurisé » dans son message. En effet, l’homme n’est pas un novice et ses actions sont souvent calculées.

On peut alors soulever la question des échanges avec le fonds public d’investissement saoudien (PIF).
Récemment, le PIF aurait investi dans Tesla et possèderait désormais 5% de l’entreprise.

On pourrait supposer que les échanges entre Musk et les représentants de ce fonds, notamment le Prince héritier Mohammed ben Salman, ont évoqué la question d’une prise de participation plus large, éventuellement, dans le cadre d’un retrait de l’entreprise des marchés boursiers.

Mais si cela est bien le cas, Musk a pris un risque inutile en annonçant prématurément un accord non scellé. Une telle communication est une erreur de débutant.

 S’il s’imaginait pouvoir forcer un tel accord en bénéficiant d’un vent favorable des marchés financiers, il a sous-estimé ses interlocuteurs.

A ce jour, le PIF n’a pas confirmé l’annonce de Musk mais semble plutôt s’engager dans un investissement d’un milliard de dollars dans Lucid Motors, un futur concurrent de Tesla.

Les investisseurs saoudiens montrent leur intérêt pour le véhicule électrique.

Il est toutefois nécessaire de rester prudent car la bulle Tesla prouve que le véhicule électrique reste un investissement plus spéculatif que productif. La volatilité du titre Tesla et la décorrélation avec la valeur et les perspectives de l’entreprise prouvent à quel point ces investissements sont risqués et bourrés d’incertitudes.

Par ailleurs, l’annonce de Musk suppose qu’il aurait été en mesure de prendre seul la décision de mener la négociation et sceller un accord sans en faire part ni au board ni aux principaux actionnaires.

Cela illustre parfaitement l’un des principaux problèmes de Tesla, la concentration des pouvoirs aux mains d’un patron de plus en plus fragilisé.

Ces dernières semaines, Musk a accumulé les problèmes entre des excuses publiques et des révélations sur un rythme de vie épuisant mêlant somnifères et surmenage pour un homme qui a du mal à s’entourer et à déléguer.

Enfin, la situation financière de Tesla ne place pas l’entreprise sous son meilleur jour, d’autant que les nombreux retards et les promesses non tenues ont érodé la confiance des investisseurs.

Musk s’inquiète des shorters mais il continue pourtant à les nourrir avec une communication dont la stratégie laisse entrevoir de plus en plus de maladresses. Pour le moment, Musk a réussi à faire remonter le niveau de l’action mais le yoyo se poursuit et les doutes se multiplient.

Opération de la dernière chance ?

L’un des principaux problèmes de Tesla est l’absence d’un plan intégré. Trop d’actions sont menées ici et là pour corriger des problèmes ponctuels sans qu’aucune stratégie industrielle claire ne se dégage.

 L’édification des tentes de production est l’exemple le plus évident de l’échec du système de production de Tesla.
Avec plus de machines et plus de personnes, Tesla peine à produire le tiers de ce que GM et Toyota produisaient dans les mêmes locaux 12 ans auparavant.

Le renouvellement de la confiance des actionnaires au board en juin dernier a montré la fragilité de la situation et l’équipe actuelle pourrait bien jouer ses dernières cartes.

Dans ce contexte, la décision de retirer Tesla de la Bourse pourrait bien être une manœuvre destinée à sécuriser la présence des investisseurs dans l’actionnariat. Mais quel est l’intérêt pour des fonds de pension de ne pouvoir ni spéculer ni obtenir de dividende ?

Avec son tweet et l’établissement d’un prix de rachat des actions à $420, Elon Musk a annoncé à mot couvert que l’entreprise pourrait valoir plus de 70 milliards de dollars.

Mais sur quelle base faut-il accorder du crédit à une telle perspective à l’heure où Tesla peine à réaliser la montée en cadence de son Model 3, dans un environnement où les risques se multiplient comme par exemple l’augmentation des coûts de garantie ?

En faisant une telle annonce, Musk a-t-il voulu camoufler une dégradation de la situation financière de Tesla ?

 Le ramp-up de la Model 3 coûte cher. La voiture a subi des modifications, dont certaines pourraient être structurelles et, dans ce cas, nécessiter de recertifier le véhicule.

Il semble également que la Model 3 ne soit toujours pas homologuée pour l’Europe, un processus qui pourrait nécessiter des modifications du véhicule et cela a un coût.

Dans le même temps, les annonces d’investissements se multiplient avec la volonté de construire une usine en Chine et une en Europe.

Côté R&D, le développement du camion et du roadster va également devoir être pris en compte puisque de nombreux clients ont signé des chèques pour prendre livraison de leur véhicule.

Enfin, le déploiement du réseau de distribution et du réseau de rechargement nécessite lui aussi de mettre la main au portefeuille.

En regardant de près, cela fait beaucoup de projets avec des perspectives troubles pour une entreprise accumulant plus de 10 milliards de dollars de dette et qui perd toujours de l’argent.

Une année décisive

Les manœuvres d’Elon Musk n’impressionnent plus et le jeu de diversion est de moins en moins efficace.

La valeur en Bourse de Tesla reste très volatile et peut inciter le dirigeant à chercher à influencer le cours mais l’enquête de la SEC pourrait mettre un terme aux trop nombreuses rumeurs et divagations de Musk.

Sans véritablement rentrer dans le rang l’entreprise doit maintenant prouver qu’elle est viable.

Le patron de Tesla a finalement fait machine arrière, une décision pleine de sens à l’heure où l’entreprise risque d’avoir très prochainement à lever de nouveaux fonds pour poursuivre son activité.

Enfin, il convient de noter que retirer Tesla de la Bourse pourrait éloigner les investisseurs puisqu’une telle manœuvre aurait des implications fiscales importantes pour les possesseurs d’actions eu égard à la plus-value que certains seront à même de réaliser.

Tesla reste en Bourse pour le meilleur ou pour le pire pendant que shorters et actionnaires veillent.

Enfin, il reste à savoir si les clients seront suffisamment nombreux pour la Model 3 à l’heure où la concurrence arrive à grand pas dans un marché du véhicule électrique qui cherche à éviter la contraction sous l’influence des primes à l’achat.

Un quart des réservations pour le Model 3 auraient été annulées alors que la rentabilité du véhicule reste à prouver selon que l’on s’adresse à Sandy Munroe ou à UBS.

Course contre la montre ou fuite hâtive, il est difficile de savoir où en est vraiment Tesla au milieu des annonces de son dirigeant dont l’objectif est, sans beaucoup de doutes, de faire diversion et de brouiller les cartes.


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